Arrestation et interpellation, quelle différence?

Le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince dément avoir procédé à l’arrestation de Me André Michel, mardi dernier, après six heures du soir. Selon Me Francisco René, il n’avait fait qu’interpeller le leader politique. Quelle différence y a-t-il entre interpellation et arrestation ?

Me Patrick Laurent : Au sens du droit pénal, l’interpellation est une question posée à un individu au cours d’un contrôle de police ou d’un interrogatoire; par extention, contrôle pouvant impliquer une arrestation (réf. http://www.cnrtl.fr/définition/interpellation). Le vocabulaire juridique définit l’interpellation en droit pénal comme une sommation adressée par un agent de l’autorité à un individu (suspect, agent de trouble) en vue d’un contrôle ou d’un rappel à l’ordre.

Tandis que l’arrestation, c’est le fait d’appréhender une personne en ayant recours à la force, si besoin est, en vue de sa comparution devant l’autorité judiciaire, ou à des fins d’incarcération. Hors les cas de flagrance, l’arrestation exige un mandat. (Réf. Lexique des termes juridiques, 15 édition, Dalloz, page 42).

Le Nouvelliste : Peut-on interpeller quelqu’un à n’importe quelle heure?
Me Patrick Laurent : On doit signaler qu’il n’y a pas un cadre juridique dans notre législation organisant et définissant la procédure de l’interpellation. Toutefois, l’article 10 de la loi du 29 novembre 1994 portant création, organisation et fonctionnement de la Police nationale d’Haïti (Moniteur nº 103 du 28 décembre 1994) dispose : « Hors les cas de flagrant délit, les autorités et membres de la Police ne peuvent procéder à aucune arrestation, perquisition ou visite domiciliaire sauf dans les conditions et modes prévus par la loi et notamment le code d’instruction criminelle » et l’esprit de l’article 24-4 de la Constitution : « Sauf en cas de flagrant délit, aucune arrestation sur mandat, aucune perquisition ne peut avoir lieu entre six (6) heures du soir et six (6) heures du matin ». On peut dire par analogie que l’interpellation doit être faite entre six (6) heures du soir et six heures du matin.

Cependant, dans le cadre de contrôle policier dans les rues, check point, patrouilles policières, la police pourrait interpeller à n’importe quelle heure tout suspect trouvé sur son chemin. Aussi, le commissaire du gouvernement, aux termes de l’article 25 du code d’instruction criminelle, pourra-t-il interpeller un prévenu. Nous ajoutons que cette interpellation pourra se faire en se référant à la Constitution, sans tenir compte de la flagrance dans les heures constitutionnelles.

Le commissaire du gouvernement interpellera un prévenu pour s’expliquer suivant l’article 25 du CIC sur les objets saisis susceptibles de servir à la perpétration d’une infraction, qui lui seront représentés. Il faut préciser que, sous l’angle de la police judiciaire, le commissaire du gouvernement est le chef des officiers de police judiciaire (agent de police, juge de paix). Dans ce cas, il pourra ordonner à ses auxiliaires d’accomplir une tâche relevant de ses attributions dans le cadre d’une enquête criminelle conformément à la loi.

Le Nouvelliste : Après une interpellation, que fait la police avec l’individu interpellé?
Me Patrick Laurent : Après l’interpellation, la police pourra demander à l’individu de rentrer chez lui si on ne trouve rien à lui reprocher, la placer en garde à vue, ou aussi bien le déférer au parquet pour les suites de droit.

Le Nouvelliste : Pendant combien de temps peut-on le retenir?
Me Patrick Laurent: faut préciser que l’interpellation n’est pas une arrestation. Cependant, la police, les officiers de la police judiciaire, aux termes de la Constitution, ne pourront garder un individu au-delà de 48 heures; passé ce délai, l’individu est en situation de détention arbitraire et illégale, ce qui ouvre la voie à un recours en habeas corpus.

Le Nouvelliste: moment de son audition, a-t-il droit à la présence d’un avocat?

En se référant à la Constitution, article 25-1: « Nul ne peut être interrogé en l’absence de son avocat ou d’un témoin de son choix. » Ainsi, tout citoyen privé de sa liberté ou se trouvant dans une situation où sa liberté serait menacée peut exiger la présence de son avocat avant toute audition.

Le Nouvelliste