Blanchiment des avoirs, 15 ans de prison…
Au fait, la peine d’emprisonnement pour toute personne coupable de blanchiment d’argent est de 3 à 15 ans et d’une amende allant de 500 mille à 100 millions de gourdes. Ce numéro de Parenthèse juridique répond à plusieurs questions sur le dossier, à la lumière de la loi sur le blanchiment des avoirs.
Le Nouvelliste : C’est quoi le blanchiment d’argent ?
Me Patrick Laurent : Le blanchiment d’argent est le fait de cacher l’origine réelle d’un avoir, ou faire semblant que l’argent a été gagné à la suite d’une activité légale alors qu’en réalité c’est le produit d’un acte malhonnête : drogue, séquestration, terrorisme, vol, etc. C’est, en résumé, l’essentiel de la définition proposée par la loi sur le blanchiment des avoirs provenant du trafic illicite de la drogue et d’autres infractions graves, publiée dans le journal Le Moniteur du jeudi 5 avril 2001 et la loi sanctionnant le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme publiée dans le Moniteur du jeudi 14 novembre 2013.
Le Nouvelliste : Qu’est-ce qu’on entend par « avoir » au sens de la loi sur le blanchiment d’argent?
Me Patrick Laurent : L’article 1.2 alinéa B de la loi sur le « blanchiment des avoirs » précise en substance que le terme « avoir » désigne tous les types de biens : argent, maison, terrain, véhicule et tout document, titre de propriété, certificat d’action dans des sociétés qui, en réalité, des subterfuges pour cacher le véritable propriétaire de ces biens ou pour donner une apparence de légalité à l’acquisition de ces dits biens.
Le Nouvelliste : Qu’entend-on par « produit du crime » ?
Me Patrick Laurent : Selon les dispositions de l’article 1.2 alinéa A de la loi sur le blanchiment des avoirs publiée le 5 avril 2001, le produit du crime désigne tout bien ou tout avantage économique tiré directement ou indirectement d’une infraction punissable de plus de trois (03) ans d’emprisonnement. A titre d’exemple : accepter une maison pour tuer un parent, un ami, un adversaire, tuer est un crime, donc la maison qui a été donnée pour cette sale besogne est le produit du crime ; ou encore séquestrer une personne et exiger une rançon pour sa libération, l’argent obtenu à titre de rançon pour libérer l’otage ou la personne séquestrée est le produit du crime.
Le Nouvelliste : Quelles sont les institutions responsables de la prévention du blanchiment ?
Me Patrick Laurent : L’article 2.2.2 de la loi sur le blanchiment des avoirs prévoit les établissements de crédit et les institutions financières qui sont responsables de la prévention du blanchiment. Par exemple : les banques, les coopératives d’épargne et de crédit, les compagnies d’assurance, les maisons de transfert, etc. Ces institutions sont tenues d’identifier correctement leurs clients (adresse, numéro de téléphone, numéro d’identité, personne de référence). Pour une transaction élevée, généralement équivalent à Dix Mille Dollars en monnaie américaine (USD 10,000.00), le client est tenu de faire une déclaration de provenance. Au cas où cette transaction serait douteuse, ces institutions ont l’obligation de faire une déclaration de soupçon, c’est-à-dire de signaler cette transaction à l’attention de l’UCREF.
Le Nouvelliste : En cas d’enquête pour blanchiment, un professionnel (avocat, notaire, comptable) qui représente un client, peut-il évoquer le secret professionnel pour ne pas donner certaines informations concernant son client?
Me Patrick Laurent : En matière de blanchiment d’argent, l’avocat, le notaire, le comptable, le courtier en valeur mobilière ne peuvent pas évoquer le secret professionnel pour refuser de communiquer l’identité du véritable donneur d’ordre, c’est-à-dire celui pour lequel les professionnels susmentionnés interviennent (article 19 alinéa 3 publié le 14 novembre 2013 sanctionnant le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme).
Le Nouvelliste : Dans le cadre de blanchiment des avoirs ou capitaux, quel est le rôle de l’UCREF ?
Me Patrick Laurent : L’Unité centrale de renseignement financier est chargée de recevoir, d’analyser et de traiter les déclarations auxquelles sont tenues les personnes et organismes visés à l’article 2.1.1 de la loi sur le blanchiment des avoirs mentionnées à la réponse 5.
Le Nouvelliste : Quelle est la peine prévue en cas de blanchiment ?
Me Patrick Laurent : L’article 57 de la loi sanctionnant le blanchiment des capitaux dispose d’une peine d’emprisonnement de 3 ans à 15 ans ou d’une amende de cinq cent mille à cent millions de gourdes selon la gravité du cas contre toute personne physique qui aura commis un fait de blanchiment.
Toutefois, seront punies d’une amende d’un taux égal au quintuple des amendes spécifiées pour les personne physiques, sans préjudice des peines à prononcer contre les auteurs ou complices de l’infraction, les personnes morales pour le compte ou au bénéfice desquelles l’infraction de blanchiment des capitaux ou de financement de terrorisme aura été commise.
Le Nouvelliste : Quel est le tribunal compétent pour trancher un fait de blanchiment ?
Me Patrick Laurent : Dans le droit pénal haïtien, une infraction punie d’une peine de trois ans et plus est une peine criminelle et le fait reproché est de la compétence du tribunal criminel. Cependant, l’article 72 de la loi sanctionnant le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dispose qu’il est de la compétence du tribunal correctionnel de trancher en matière de blanchiment bien que la peine prévue soit de 3 à 15 ans d’emprisonnement.