Diffamation: comment établir la faute ?

La personne qui estime être l’objet de diffamation peut recourir au droit de réponse ou/et saisir le tribunal correctionnel. La diffamation est un délit punissable par la loi, rien que par la loi après avoir établi les faits. Parenthèse Juridique répond à certaines questions.

Le Nouvelliste : Comment peut-on définir la « diffamation » ?
Me Patrick Laurent : Le terme « diffamation » se définit comme une allégation ou une imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé. (Réf. Vocabulaire juridique Gérard Cornu).

L’article 313, 1er alinéa du Code pénal dispose ce qui suit : « Sera coupable du délit de diffamation, celui qui, soit dans les lieux ou réunions publics, soit dans un acte authentique et public, soit dans un écrit imprimé ou non qui aura été affiché, vendu ou distribué, aura imputé à un individu quelconque des faits qui portent atteinte à son honneur et à sa considération. »

Le Nouvelliste : Quels sont les éléments constitutifs de la diffamation ?
Me Patrick Laurent : Pour qu’il y ait diffamation, il faut l’existence des éléments suivants :

  1. Attribution d’un fait susceptible de ternir l’image, la réputation, l’honorabilité d’une personne (caractère diffamatoire) ;
  2. Publicité du fait, c’est-à-dire rendre public le fait ; une jurisprudence constante de la Cour de cassation établit qu’« il n’y a pas de diffamation sans publicité »;
  3. Intention de nuire.

Le Nouvelliste : Il y a-t-il une différence entre diffamation et injure ?
Me Patrick Laurent : Il faut distinguer la diffamation de l’injure. L’injure ne renferme l’imputation d’aucun fait précis. L’injure vise toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait.

Si l’injure a été proférée dans les lieux ou réunions publics, ou insérée dans des écrits imprimés ou non, qui auraient été répandus et distribués, la peine sera d’un emprisonnement d’un mois à une amende de cinq à cinq cents gourdes (Article 320 Code pénal). Tandis que pour qu’il y ait diffamation, il faut nécessairement qu’il y ait un fait précis.

Le Nouvelliste : Il y a-t-il une différence entre diffamation et dénonciation calomnieuse ?
Me Patrick Laurent : Il ne faut surtout pas confondre « diffamation » et « dénonciation calomnieuse ». Elles sont deux infractions distinctes l’une de l’autre. La dénonciation calomnieuse représente une déclaration mensongère par laquelle un individu (le dénonciateur), impute à un autre (la personne dénoncée) un fait qui expose ce dernier à des sanctions judiciaires, administratives, disciplinaires sachant bien que le fait est inexact, lorsqu’elle est adressée, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente.

Le Nouvelliste : Quelles sont les peines applicables au délit de diffamation ?
Me Patrick Laurent : Selon l’article 316 du Code pénal, la personne coupable du délit de diffamation sera punie des peines suivantes :

  1. D’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de trois cents à mille cinq cents gourdes si le fait est de nature à mériter la peine des travaux forcés à perpétuité ;
  2. D’un emprisonnement de six mois à un an et une amende de cinq cents gourdes dans tous les autres cas.

Le Nouvelliste : Si dans un article de journal ou dans une émission de radio ou de télévision un citoyen estime être l’objet de diffamation, que peut-il faire ?
Me Patrick Laurent : La personne qui estime être l’objet de diffamation peut recourir au droit de réponse ou/et porter plainte en justice; disons mieux, saisir le tribunal correctionnel. Car, en exerçant le droit de réponse, cela ne voudrait pas dire que la personne est effectivement diffamée. Seul le tribunal correctionnel pourrait établir la diffamation et punir l’auteur reconnu coupable de ce délit.

Le Nouvelliste : Est-ce qu’après avoir utilisé le droit de réponse, on peut toujours aller au tribunal ?
Me Patrick Laurent : L’article 19, 1er alinéa du décret du 31 juillet 1986 sur la presse et la répression des délits de presse précise : « Toute personne physique ou morale mise en cause dans un organe de presse et qui s’estime être l’objet d’une diffamation peut exercer le droit de réponse et/ou poursuivre en justice l’auteur de l’acte incriminé ou l’organe de presse dans lequel a paru cet article. »

Le Nouvelliste : Est-ce qu’un organe de presse pourrait refuser le droit de réponse ?
Me Patrick Laurent : L’article 20 du décret du 31 juillet 1986 exige que la réponse soit insérée à la même place, dans les mêmes caractères que l’article incriminé. L’article 19, alinéa 2 dudit décret dispose : « L’inaccomplissement des formalités prévues pour le droit de réponse peut entraîner la suspension de l’organe de presse ou l’interdiction de sa circulation sur le territoire national. » Donc, un organe de presse ne saurait refuser le droit de réponse.

Le Nouvelliste : En cas de diffamation, le commissaire du gouvernement peut-il mettre l’action publique en mouvement sans une plainte formelle de la victime ?
Me Patrick Laurent : La poursuite des infractions de presse, de diffamation, n’a pas lieu d’office mais requiert qu’une plainte préalable ait été déposée par la personne diffamée. Cette formalité est considérée comme une exigence dont le défaut constitue une nullité d’ordre public. Donc, le commissaire du gouvernement ne peut pas mettre l’action publique en mouvement sans préalablement avoir été saisi d’une plainte de la victime.

Le Nouvelliste