Il n’y a pas que la récusation et le renvoi à utiliser contre un juge

Outre la récusation et le renvoi, le justiciable peut également évoquer la « prise à partie » contre un juge chargé d’un dossier bien spécifique. Ce numéro de Parenthèse juridique est consacré à cette notion juridique.

Le Nouvelliste: C’est quoi la «prise à partie»?

Me Patrick Laurent : La «prise à partie» est la procédure introduite par un justiciable contre un magistrat auquel il reproche la commission d’un dol, d’une fraude, d’une concussion, ou d’une faute lourde et notamment d’avoir commis un déni de justice (référence : http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/prise-a-partie.php).

La Cour de cassation consacre ce qui suit : « La prise à partie est une voie extraordinaire que la loi accorde, en toute matière, contre le magistrat qui a abusé de son autorité. » (Arrêt du 16 septembre 1861 au bas de l’article 464 CPC annoté par Me Pierre Marie MICHEL).

Le Nouvelliste : Dans quel cas un magistrat peut-il être pris à partie ?

Me Patrick Laurent : Au regard des prescrits de l’article 464 du Code de procédure civile, les magistrats (les juges et le ministère public) peuvent être pris à partie dans les cas suivants :

  • s’il y a dol, fraude, concussion, déni de justice relevé à la charge du juge qu’on prétendrait avoir été commis dans le cours de l’instruction, soit lors des jugements ;
  • dans le cas où la prise à partie est formellement autorisée par la loi ;
  • si la loi déclare les juges responsables à peine de dommages-intérêts.

Le Nouvelliste : Que signifient les concepts juridiques : dol, concussion et déni de Justice ?
Me Patrick Laurent : « Le dol est une manœuvre frauduleuse cherchant à porter préjudice aux intérêts de quelqu’un en l’incitant à accepter des conditions désavantageuses » (référence : http://www.cnrtl.fr/lexicographie/dol).

La Cour de cassation précise, par un arrêt du 5 février 1948, relevé au bas de l’article 464 du CPC annoté par Me Pierre Marie MICHEL : « Pour que le dol puisse donner lieu à la prise à partie, il faut que le juge ait statué avec dessein de nuire. »

  • La concussion : « Délit qui consiste pour un fonctionnaire à percevoir des sommes non dues. »
  • Le déni de justice : « c’est le refus par une juridiction de juger une affaire, alors qu’elle est habilitée à le faire. Par extension, le déni de justice peut être caractérisé par le retard excessif mis par des juges à statuer». (référence : http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ni_de_justice). L’article 465 du CPC dispose : « Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre les requêtes ou négligent de juger les affaires en état ou en tour d’être jugées ».

Le Nouvelliste : Devant quel tribunal doit-on introduire une action en prise à partie ?

Me Patrick Laurent : L’article 467 du Code de procédure civile dispose ce qui suit : « Toutes demandes en prise à partie doivent être portées à la Cour de cassation. »

Le Nouvelliste : Est-ce que la demande en prise à partie est suspensive ?

Me Patrick Laurent : La demande en prise à partie est suspensive après que la Cour de cassation aura accepté la requête en prise à partie, laquelle doit être signifiée au juge dans les deux mois de son admission selon les prescrits de l’article 469 du CPC.

Le Nouvelliste : Si la prise à partie est reconnue fondée, quel serait le sort du magistrat ?

Me Patrick Laurent : Deux cas peuvent se présenter :

  1. le magistrat peut être condamné à des dommages et intérêts par la Cour de cassation;
  2. si le fait reproché au magistrat est de nature à appliquer une peine correctionnelle ou criminelle, la Cour désignera le tribunal qui devra en connaître (art 473 CPC).

Le Nouvelliste : Quelle est la différence entre : récusation, déport et prise à partie ?

Me Patrick Laurent :

  • La récusation : action d’un justiciable visant à enlever à un juge le droit de juger son procès ;
  • le déport (le juge s’est déporté) : décision volontaire et personnelle d’un juge de se dessaisir de la connaissance d’un dossier ;
  • la prise à partie : action introduite par un justiciable contre un magistrat dans le but d’obtenir la condamnation du magistrat pour une faute qu’il aurait commis, laquelle faute doit être expressément prévue par la loi, dans le traitement du dossier du justiciable.