Quelle est votre position sur l’avortement ?
Cette question a été posée au président de la République, Michel Martelly, lors d’une interview qu’il avait accordée à TV5 Monde la semaine dernière. Parenthèse juridique fait le point sur l’avortement et sur ce que dit la loi par rapport à ce phénomène qui fait débat dans la société haïtienne.
Le Nouvelliste : Qu’est-ce qu’on entend par avortement ?
Me Patrick Laurent : L’avortement se définit comme l’interruption volontaire de grossesse. Elle constitue une transgression à la loi pénale haïtienne. Donc, c’est une infraction, que la femme soit consentente ou non.
Dans les notes doctrinales placées au bas de l’article 262 du Code pénal, on lit ce qui suit : « Selon l’acceptation juridique du terme, l’avortement se définit comme l’expulsion prématurée et volontairement provoquée… »
Le Nouvelliste : Quel est le texte du Code pénal qui incrimine l’avortement ?
Me Patrick Laurent : L’article 262 du Code pénal dispose : « Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violence, ou par tout autre moyen, aura procuré l’avortement d’une femme enceinte, soit qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion. »
Le Nouvelliste : Qui peut être puni pour avortement ?
Me Patrick Laurent : Celui qui provoque l’avortement de la femme sera puni de réclusion qui est une peine criminelle ;
- La femme qui provoque son avortement sera puni de réclusion ;
- Les médecins, chirurgiens, pharmaciens ou autres officiers de santé qui indiquent ou administrent des moyens à une femme pour provoquer l’avortement seront punis de travaux forcés à temps (de 3 à 15 ans de prison).
Le Nouvelliste : C’est quoi la réclusion ?
Me Patrick Laurent : En s’inspirant de l’article 20 du Code pénal, on dira que la réclusion est une peine d’emprisonnement dont la durée est de trois ans au moins et de neuf ans au plus, où le condamné est employé à des travaux dont le produit pourra être en partie utilisé à son profit.
Le Nouvelliste : Est-ce que l’avortement est une atteinte au droit à la vie ?
Me Patrick Laurent : L’article 19 de la Constitution dispose que l’État haïtien garantit le droit à la vie, mais ne précise pas quand commence la vie.
Toutefois, la Convention américaine des droits de l’homme ratifiée par Haïti, donc faisant partie de la législation haïtienne, en son article 4 se lit ainsi : « Toute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception. » En se basant sur la Convention américaine qui entend la protection du droit à la vie dès la conception, on peut dire que l’avortement est une atteinte au droit à la vie.
Le Nouvelliste : La Constitution haïtienne traite-t-elle de l’avortement ?
Me Patrick Laurent : La Constitution pose le principe du droit à la vie, mais ne traite pas de l’avortement. Quand il faut parler d’avortement, on doit se référer au Code pénal, particulièrement à l’article 262.
Le Nouvelliste : Ne pensez-vous pas que dans certains cas l’avortement pourrait être autorisé ?
Me Patrick Laurent : D’un avis personnel, permettre l’interruption volontaire de grossesse dans des cas bien précis serait une bonne chose. A titre d’exemple : lorsque la santé de la mère, voire même sa vie serait menacée par suite d’une grossesse à risque médicalement documentée.