L’acte de naissance: un droit pour le citoyen, un devoir pour l’Etat
Identifier ses citoyens est la responsabilité de l’Etat et la base de toute nation. Malheureusement en Haïti, l’acte de naissance reste et demeure encore un problème à résoudre après 211 ans d’indépendance. Parenthèse juridique répond à certaines questions sur ce sujet.
Le Nouvelliste : Qu’est-ce qu’on entend par acte de naissance?
Me Patrick Laurent : Un « acte de naissance » est un document juridique attestant la naissance d’une personne. C’est un acte authentique signé par un officier de l’état civil. (Un acte authentique est un document rédigé conformément aux formalités légales par un officier public habilité par la loi (notaire, officier d’état civil, huissier de justice).
Le Nouvelliste : Quand et qui peut déclarer la naissance d’un enfant ?
Me Patrick Laurent : La naissance d’un enfant doit être déclaré dans le mois de sa naissance, par ses parents généralement, et par-devant l’officier de l’état civil du lieu de la naissance ou du domicile des parents, ce en vertu de l’article 55, alinéa 1 du Code civil qui dispose : « Les déclarations de naissance seront faites dans le mois de l’accouchement, à l’officier de l’état civil du lieu de naissance du domicile de la mère ou du lieu de naissance de l’enfant ».
Dans le cas d’une naissance qui n’est pas déclarée deux ans après l’expiration du délai prévu, il faut un jugement du tribunal civil de la juridiction où est né l’enfant ou à défaut par le tribunal civil de celui-ci. Dans le cas contraire, l’officier de l’état civil ne pourra pas la consigner dans ses registres.
L’alinéa 2 de ce même article précise que la déclaration doit être faite par le père, ou à défaut du père, par la mère, ou par les médecins, chirurgiens, sages-femmes ou autre personne qui auront assisté à l’accouchement. Dans le cas où la femme aura accouché hors de son domicile, la déclaration peut être faite par la personne chez qui elle aura accouché.
Le Nouvelliste : Quelles sont les informations obligatoires que l’on doit retrouver dans un acte de naissance ?
Me Patrick Laurent : Au regard de l’article 56 du Code civil, tout acte de naissance énoncera le jour, l’heure et le lieu de naissance, le sexe de l’enfant et les prénoms qui lui sont donnés ; les prénoms, noms, professions et domiciles des père et mère, ou de la mère seulement si le père n’a pas fait la déclaration ; enfin ceux des témoins.
Le Nouvelliste : Qui est autorisé à signer un acte de naissance ?
Me Patrick Laurent : L’acte de naissance doit être signé par l’officier de l’état civil. Cependant, la déclaration de naissance reçue par l’officier doit être transcrite par ce dernier dans deux gros cahiers communément appelés registres et doivent être signés du père ou de la mère de l’enfant ainsi avec deux témoins et l’officier de l’état civil ; si les parents, ou les témoins ne peuvent pas signer, mention en sera faite.
Le Nouvelliste : Comment peut-on avoir l’acte de naissance d’une personne dont les parents sont morts ?
Me Patrick Laurent : Si les parents sont morts, au regard de l’article 55 du Code civil, l’intéressé doit se référer au Doyen du Tribunal Civil de son domicile (sa juridiction) en lui adressant une lettre (requête) lui demandant de rendre une ordonnance pour autoriser l’officier de l’état civil de recevoir la déclaration de naissance. Ce jugement sera appelé « tenant lieu d’acte de naissance ». L’article 55 du Code civil, alinéa 6, se lit ainsi : « Si le père et la mère sont décédés, le tribunal Civil compétent, à la requête du réclamant, le Ministère Public entendu, prononcera un jugement dont le dispositif, transcrit sur le registre spécial tenu en double à cet effet, lui tiendra lieu d’acte de naissance. »
Le Nouvelliste : Lorsqu’il y a erreur dans un acte de naissance, que faire ?
Me Patrick Laurent : Pour s’assurer qu’il s’agit d’une erreur, il faut solliciter des Archives nationales un extrait dudit acte. Si dans l’extrait délivré l’erreur est constatée, on doit recourir à un jugement rectificatif en s’adressant au doyen qui va rendre son ordonnance ordonnant la rectification de l’acte en autorisant les Archives nationales à délivrer un extrait avec les corrections.
Le Nouvelliste : Que faire quand un acte de naissance n’est pas enregistré aux Archives nationales ?
Me Patrick Laurent : Dans ce cas, il faut solliciter des archives une attestation de signature, c’est-à-dire demander aux archives de dire si oui ou non la signature de l’officier de l’état civil apposée au bas de l’acte de naissance est réellement la signature de ce dernier. Si la réponse est affirmative, on se réfère au doyen pour rendre un jugement au rang des minutes ; avec cette décision, le doyen va ordonner aux archives de conserver l’original de l’acte de naissance et de délivrer un extrait dudit acte.
Le Nouvelliste : Est-ce qu’on peut changer de prénom si on n’aime pas celui qui a été donné par les parents ?
Me Patrick Laurent : La loi haïtienne, jusqu’à date, interdit formellement une personne de changer volontairement de nom ou de prénom (article 813 Code de procédure civile).
Le Nouvelliste : Que faire si quelqu’un croyait s’appeler Joseph Bien-Aimé, il a utilisé ce nom longtemps, il a des diplômes avec ce nom et c’est en consultant son acte de naissance et en obtenant un extrait des archives dudit acte qu’il s’est rendu compte que son nom est Evens Joseph Bien-Aimé ?
Me Patrick Laurent : Toute personne se trouvant dans cette situation doit porter la question par-devant le doyen du tribunal civil de sa juridiction pour obtenir un jugement d’identité. Le doyen va décider que : Joseph Bien-Aimé et Evens Joseph Bien-Aimé désignent une seule et une même personne et que désormais il soit désigné Evens Joseph Bien-Aimé.
Le Nouvelliste : Si la naissance d’une personne n’a pas été dûment déclarée à sa naissance, comment peut-elle obtenir son acte de naissance dans l’état actuel de notre législation ?
Me Patrick Laurent : Légalement, le Code civil, particulièrement l’article 55 en substance, prescrit : Si la naissance n’a pas été déclarée dans le délai d’un mois de la naissance, pour obtenir l’acte de naissance, il faut recourir au jugement de déclaration tardive de naissance si les parents sont vivants. En cas de décès des parents, on se réfère au jugement tenant lieu d’acte de naissance.
Il faut souligner que l’Etat haïtien, constatant que beaucoup de citoyens ne peuvent s’identifier faute de déclaration de naissance, pour les faciliter sans recourir aux procédures ci-dessus indiquées, par un arrêté en date du 1er février 2002, a accordé un délai de 5 ans à toute personne dépourvue d’acte de naissance de faire régulariser son état civil. En janvier 2014, par arrêté présidentiel, ce même délai de cinq ans a été renouvelé et accordé à toute personne se trouvant dans cette situation afin de régulariser sa situation à l’état civil sans jugement préalable.