Détenus! Vous avez des droits…
« Nul ne peut être maintenu en détention s’il n’a pas comparu dans les 48 heures qui suivent son arrestation par-devant un juge appelé à statuer sur la légalité de l’arrestation… », selon l’article 26 de la Constitution de 1987 amendée et violée plus d’une fois. Ce numéro de Parenthèse juridique fait le point sur le dossier.
Le Nouvelliste: Un détenu, c’est qui effectivement ?
Me Patrick Laurent : Un détenu est une personne arrêtée et incarcérée aux ordres de la Justice dans une maison qui peut être une prison ou une maison d’arrêt.
Le Nouvelliste : Celui qui est incarcéré dans un commissariat de Police, peut-on dire qu’il est en prison?
Me Patrick Laurent : Une personne incarcérée dans un commissariat de police, un poste de police ou mieux à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) n’est pas à proprement parler en prison; on dira qu’elle est en garde à vue, elle ne saurait être gardée que pendant une durée de 48 heures à la police selon le vœu de la Constitution. L’article 26 de la Constitution de 1987 amendée dispose : « Nul ne peut être maintenu en détention s’il n’a pas comparu dans les quarante-huit (48) heures qui suivent son arrestation par-devant un juge appelé à statuer sur la légalité de l’arrestation, et si ce juge n’a confirmé la détention par décision motivée. »
Le Nouvelliste : Est-ce qu’un détenu (un prisonnier) bénéficie de la présomption d’innocence ?
Me Patrick Laurent : Il faut noter que le détenu peut être un condamné. Dans ce cas, c’est un coupable qui est en train de purger sa peine. Dans ce cas, on ne saurait parler pour ce dernier de présomption d’innocence.
Cependant, un détenu qui est en détention préventive, qui attend son jugement ou qui est aux ordres d’un juge d’instruction, bénéficie de la présomption d’innocence et doit être traité comme un innocent.
Le Nouvelliste : Parlant de condamnation et de détention préventive, est-ce que les condamnés doivent être dans la même prison que ceux qui sont en détention préventive ?
Me Patrick Laurent : En principe, les condamnés doivent être séparés de ceux qui sont en détention préventive. Cependant, en dépit de ce principe, peut-être faute de moyens, nos centres de détention accueillent les condamnés aussi bien que ceux qui sont en détention préventive.
Le Nouvelliste : C’est quoi la détention préventive prolongée ?
Me Patrick Laurent : La détention préventive prolongée, c’est le fait qu’une personne incarcérée en attente de son jugement ou à l’attente de la fin de l’instruction de sa cause reste et demeure en détention préventive au delà du délai légal.
Exemple, le juge d’instruction a un délai de trois mois pour mener son enquête et clôturer son instruction, (deux mois pour l’enquête et un mois pour le clôturer). Passé ce délai, l’inculpé détenu est en situation de détention préventive prolongée. Ce qui se traduit par l’article 7 de la loi du 29 juillet 1969 sur l’appel pénal : « Le juge instructeur saisi d’une affaire a un délai de deux mois pour en mener l’instruction et communiquer les pièces de l’information au ministère public et un délai d’un mois pour l’émission de l’ordonnance de clôture, ce, sous peine de prise à partie. » Il faut dire que le juge instructeur, dans la pratique, peut solliciter du doyen une prorogation de délai d’un mois.
Le Nouvelliste : Est-ce qu’un détenu en détention provisoire pourrait bénéficier de son temps de détention en cas de condamnation?
Me Patrick Laurent : Effectivement, en cas de condamnation, le temps de la prison préventive sera déduit de la condamnation. L’article 1er de la loi du 4 décembre 1893 relative à l’imputation de la durée de la prison préventive sur la durée des peines correctionnelles ou criminelles connue sous le nom de Loi de Lespinasse précise : « Passé le délai de deux mois, la détention préventive sera imputée sur la durée de toute peine temporaire, correctionnelle ou criminelle, elle ne comptera que pour moitié en ce qui touche la peine des travaux forcés à temps. » On dira que le détenu bénéficie de la Loi Lespinasse.
A titre d’exemple : le détenu a passé une année en prison avant sa condamnation à la suite du jugement, il est condamné à 3 ans. Par application de la Loi de Lespinasse, l’année de la prison préventive sera déduite de la condamnation. Donc, il lui reste deux ans à passer en prison.
Le Nouvelliste : Qu’arrive-t-il si le détenu, après une année de détention préventive, est reconnu non coupable suite à son jugement? Est-ce qu’il sera indemnisé pour les temps d’incarcération ?
Me Patrick Laurent : Le détenu ne sera pas indemnisé pour le temps passé en détention préventive. Toutefois, il pourra poursuive son dénonciateur ou le plaignant pour dénonciation calomnieuse. Il pourra aussi poursuivre le plaignant en réparation civile si ce dernier est solvable.