« Un citoyen haïtien qui commet un crime en Haïti doit être jugé en Haïti »
« Aucun citoyen civil ou militaire ne peut être distrait des juges que la Constitution et les lois lui assignent », selon la loi haïtienne. Dans le contexte du jugement de Amaral Duclona en France le mois dernier pour un crime commis en Haïti, Parenthèse juridique répond à certaines questions sur le dossier avec Me Patrick Laurent.
Le Nouvelliste : Qu’est-ce qu’un crime ?
Me Patrick Laurent : Un crime est un acte interdit par la loi pénale; lequel acte est sanctionné d’une peine minimum de trois ans jusqu’à la peine capitale (travaux forcés à perpétuité).
Le Nouvelliste : Est-ce que tout acte interdit et puni par la loi pénale est un crime ?
Me Patrick Laurent : Ils ne sont pas tous qualifiés de crime. Un acte interdit par la loi pénale et sanctionné d’une peine minimum de six mois et maximum de trois ans s’appelle « un délit ». Et celui qui punit d’une peine d’un jour à six mois est une contravention.
Le Nouvelliste : Si un citoyen a commis un crime, quel est le tribunal compétent pour entendre l’affaire ?
Me Patrick Laurent : Le tribunal compétent est celui du lieu où l’acte a été commis. Le tribunal du domicile du suspect peut être aussi compétent et enfin le tribunal du lieu de l’arrestation du suspect peut être aussi compétent. Ce qui se traduit en substance par l’article 14 du Code d’instruction criminelle qui se résume ainsi : « Dans le cadre de la poursuite d’un crime, sont légalement compétents le commissaire du gouvernement du lieu du crime ou du délit, celui de la résidence du prévenu et celui du lieu où le prévenu pourra être trouvé. »
Le Nouvelliste : Est-ce que l’État haïtien peut autoriser un autre État à juger un ressortissant haïtien pour un crime commis en Haïti ?
Me Patrick Laurent : Eu égard à la Constitution, l’article 42 stipule : « Aucun citoyen civil ou militaire ne peut être distrait des juges que la Constitution et les lois lui assignent. » L’article 41 de la Constitution est plus formel lorsqu’il prescrit : « Aucun individu de nationalité haïtienne ne peut être déporté ou forcé de laisser le territoire national pour quelque motif que ce soit. Nul ne peut être privé pour des motifs politiques de sa capacité juridique et de nationalité. » En principe, l’Haïtien qui commet un crime en Haïti doit être jugé en Haïti.
Le Nouvelliste : Est-ce que cela veut dire qu’un citoyen haïtien ne peut pas être jugé par un tribunal étranger ?
Me Patrick Laurent : Il faut dire que si un citoyen haïtien a commis un crime dans un autre État, il peut être poursuivi par la justice de l’État concerné. Il en est de même si un étranger commet un crime sur le territoire national, il peut être poursuivi par la justice haïtienne.
Le Nouvelliste : Si un citoyen haïtien est poursuivi à l’étranger, est-ce que l’État haïtien peut s’immiscer dans la procédure ?
Me Patrick Laurent : L’État haïtien n’a rien à voir dans la procédure judiciaire menée contre un national qui aurait commis un crime en terre étrangère. Cependant, il doit s’assurer que le droit de son ressortissant est respecté et que ce dernier a un avocat pour sa défense. Et même éventuellement, par l’intermédiaire de son consulat, trouver un avocat pour ce dernier s’il est dans l’impossibilité d’en constituer un.
Le Nouvelliste : Est-ce qu’un citoyen condamné pour crime en Haïti a des moyens de recours contre le jugement du tribunal criminel?
Me Patrick Laurent : Si le jugement a eu lieu en présence de l’accusé, on dit qu’il a eu un jugement contradictoire. Dans ce cas, le condamné peut exercer un recours en cassation. Toutefois, si le jugement a eu lieu en absence de l’accusé, donc il a été jugé par contumace. Dans ce cas, l’accusé ne peut exercer des voies de recours, il a le seul choix de se faire constituer prisonnier pour faire tomber le jugement par contumace pour qu’il puisse être jugé à nouveau de façon contradictoire.