Expropriation, déclaration d’utilité publique : droits et devoirs !
Le processus de démolition des bâtiments dans certaines zones au centre-ville de Port-au-Prince soulève le mécontentement des propriétaires et des locataires. Ils estiment que leurs droits ont été violés. Expropriation et déclaration d’utilité publique, Parenthèse juridique avec le cabinet Patrick Laurent fait le point.
Le Nouvelliste : Comment peut-on définir la notion d’utilité publique ?
Me Patrick Laurent : L’utilité publique est à caractériser par l’existence d’un intérêt propre au bénéfice de la collectivité. De nos jours, le terme intérêt public le plus utilisé est celui qui se définit ainsi selon le vocabulaire juridique de Gérard Cornu, l’intérêt général est « ce qui est pour le bien public » à l’avantage de tous.
Le Nouvelliste : Qu’est ce qu’on entend par « expropriation » ?
Me Patrick Laurent : Le terme « expropriation » désigne une procédure qui permet à une collectivité (État, collectivité territoriale ou organisme assumant une mission de service public) d’obliger une personne privée, particulier ou société, à lui céder ses droits immobiliers sous réserve d’une «juste et préalable» indemnité fixée à dire d’expert. L’article 36.1 de la Constitution se lit comme suit: L’expropriation pour cause d’utilité peut avoir lieu moyennant le paiement ou la consignation ordonnée par la justice aux ordres de qui de droit, d’une juste et préalable indemnité fixée à dire d’expert.
Le Nouvelliste : Quelles sont les conditions pour recourir à l’expropriation ?
Me Patrick Laurent : L’expropriation ne peut intervenir que si elle présente une utilité publique. L’article 1er de la loi du 5 septembre 1979 déclare : « L’expropriation pour cause d’utilité publique n’est autorisée qu’à des fins d’exécution des travaux d’intérêt général. » L’expropriation pour cause d’utilité publique suppose la réalisation d’un projet d’intérêt général dans la zone déclarée d’utilité publique.
Le Nouvelliste : Quels types de biens peuvent être expropriés ?
Me Patrick Laurent : Uniquement les biens fonciers peuvent être expropriés, c’est-à-dire les propriétés (immeubles ou terrains) des personnes privées (particulier) ou morales (institution). Donc les biens meubles (véhicule par exemple) ne peuvent faire l’objet d’expropriation.
Le Nouvelliste : Comment se déroule l’expropriation ?
Me Patrick Laurent : L’article 5 de la loi du 5 septembre 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique précise : « La procédure d’expropriation pour cause de travaux d’utilité publique et d’intérêt général s’opère en deux phases : la première de caractère purement administratif a lieu par voie amiable.
Dans cette phase, l’État et le propriétaire du bien faisant l’objet de l’expropriation se sont mis d’accord sur l’évaluation du bien, l’État paie le prix convenu, le particulier cède sa propriété. Il importe de souligner que la phase amiable est dirigée par un service institué au sein du ministère des Travaux Publics, Transports et communications dénommée : Service permanent d’acquisition amiable des immeubles nécessaires à l’exécution des travaux d’utilité publique et d’intérêt général. Ce service est composé :
- du secrétaire d’État des TPTC ou son délégué ;
- du directeur du service de construction et de supervision des TPTC ;
- de deux ingénieurs des TPTC dans le domaine des travaux à entreprendre et un agronome ;
- du commissaire du gouvernement ou son substitute;
- d’un avocat consultant.
En cas d’échec de cette conciliation préalable et obligatoire, elle devient contentieuse à la seconde.
Le Nouvelliste : Qu’en est –il de la phase contentieuse ?
Me Patrick Laurent : Il faut préciser que la phase contentieuse est la phase où le propriétaire ne s’entend pas avec l’État sur l’évaluation de son bien, en termes clairs, il n’est pas d’accord avec le prix proposé par l’État au niveau du Service permanent d’acquisition amiable, on dit qu’il y a échec des négociations. Dans ce cas, la question ou mieux l’affaire doit être déférée devant le jury d’expropriation, ce jury est composé des personnalités suivantes :
- le doyen;
- le commissaire du gouvernement ;
- le greffier du tribunal civil ;
- le maire;
- trois ingénieurs parmi les cadres des TPTC; de ces trois ingénieurs, deux jouons le rôle d’expert pour le jury et le troisième représente, au nom de l’État , le comité d’acquisition foncière pour exécution des travaux déclarés d’utilité publique.
La décision du jury communément appele Ordonnance du jury n’est susceptible que de recours en cassation.
Le Nouvelliste : Peut-on contester l’expropriation ?
Me Patrick Laurent : Si l’expropriation est déclarée pour cause d’utilité publique, en principe on ne peut s’opposer au projet, cependant, comme il est dit plus haut, le propriétaire peut dans la phase amiable refuser le prix proposé par l’État. Dans ce cas, le dossier est transféré au jury d’expropriation pour trancher sur la question.
Le Nouvelliste : Est-ce que l’expropriation peut être annulée ?
Me Patrick Laurent : L’article 36.1 de la Constitution, deuxième paragraphe, dispose: « Si le projet initial est abandonné, l’expropriation est annulée et l’immeuble, ne pouvant être l’objet d’aucune spéculation, doit être restitué à son propriétaire originaire sans aucun remboursement pour le petit propriétaire. La mesure d’expropriation est effective à partir de la mise en œuvre du projet.»