Droit d’auteur : la loi et la réalité

Toute reproduction ou représentation d’une œuvre sans le consentement du titulaire des droits (l’auteur ou ses ayants droits) est interdite et illégale. C’est la loi. Cependant, la réalité ici en Haïti est tout autre. Parenthèse juridique avec Me Patrick Laurent répond à certaines questions y relatives.

Le Nouvelliste : Qu’est-ce que le droit d’auteur ?
Me Patrick Laurent : L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) définit le droit d’auteur comme : « Un terme juridique désignant des droits dont jouissent les créateurs sur leurs œuvres littéraires et artistiques. »

Le Nouvelliste : Quel est l’objet du droit d’auteur ?
Me Patrick Laurent : Le droit d’auteur fait partie des droits de la propriété intellectuelle qui concernent la protection de l’œuvre de l’esprit humain. Le droit d’auteur est le droit qui protège les œuvres littéraires et artistiques. L’article 3 du décret du 12 octobre 2005 régissant le droit d’auteur en Haïti stipule : « Le présent décret s’applique aux œuvres littéraires, scientifiques et artistiques qui sont des créations intellectuelles, originales dans les domaines littéraire, scientifique et artistique…. »

Le Nouvelliste : Quels sont les droits conférés par le droit d’auteur?
Me Patrick Laurent : Il y a deux types de droits couverts par le droit d’auteur :

  • Le droit patrimonial, qui permet au titulaire de recevoir une rémunération à raison de l’utilisation de son œuvre par d’autres. Les droits patrimoniaux confèrent un monopole d’exploitation économique sur l’œuvre pour une durée variable (selon les pays ou les cas) au terme de laquelle l’œuvre entre dans le « domaine public ». L’auteur d’une œuvre a le droit exclusif de faire ou d’autoriser les actes suivants : reproduire son œuvre, traduire son œuvre, distribuer son œuvre au public par la vente, etc. (article 7 du décret sur les droits d’auteur).
  • Le droit moral, qui reconnaît à l’auteur la paternité de l’œuvre et qui vise aussi le respect de l’intégrité de l’œuvre. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Le Nouvelliste : Quelle est la durée de la protection du droit d’auteur ?
Me Patrick Laurent : L’article 20 du décret régissant les droits d’auteur en Haïti stipule: « …les droits patrimoniaux sur une œuvre sont protégés pendant la vie de l’auteur et 60 ans après sa mort. » A l’inverse, les droits moraux sont illimités dans le temps; ils sont imprescriptibles, inaliénables et transmissibles à cause de mort aux héritiers de l’auteur ou conférés à un tiers en vertu des dispositions testamentaires.

Le Nouvelliste : Peut-on reproduire l’œuvre d’un auteur sans avoir son consentement ?
Me Patrick Laurent : Pendant la durée des droits patrimoniaux, toute reproduction ou représentation de l’œuvre sans le consentement du titulaire de ces droits (l’auteur ou ses ayants droit) est en principe interdite et illégale.

Le Nouvelliste : Le droit d’auteur peut-il être cédé ?
Me Patrick Laurent : En vertu de l’article 33, 1er alinéa du décret susmentionné, la cession totale des droits patrimoniaux sur les œuvres futures est nulle. L’alinéa 2 de ce même article précise que les droits moraux ne sont pas cessibles entre vifs (donner du vivant de l’auteur) mais le sont par voie testamentaire ou par l’effet de la loi à cause de mort. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’auteur peut librement céder ses droits patrimoniaux (reproduction, adaptation, traduction, etc.).

Le Nouvelliste : Est-ce qu’une émission de radio est protégée par le droit d’auteur ?
Me Patrick Laurent : Certainement oui. Il faut noter que les théoriciens du droit d’auteur évoquant des émissions de radio parlent du droit connexe ou droit voisin ; l’article 50 du décret sur les droits d’auteur en Haïti se lit comme suit : « La durée de protection à accorder aux émissions de radiodiffusion est une période de 25 ans à compter de la fin de l’année où l’émission a eu lieu. »

Le Nouvelliste : Est-ce qu’une foire du livre, la musique, le cinéma sont protégés par le droit d’auteur ?
Me Patrick Laurent : La foire peut se définir comme une grande activité artistique, industrielle ou commerciale où sont présentés des produits nouveaux ou des techniques nouvelles. Dans la foire du livre, on peut présenter de nouveaux livres, des auteurs en signature, etc. N’importe quelle institution peut organiser une foire du livre, de musique. Donc, la foire en tant que telle n’est pas protégée par le droit d’auteur. Cependant, l’appellation d’une foire, c’est-à-dire le nom original attribué à la foire, peut être protégée par la propriété Industrielle comme étant « une marque ». Par exemple, une école peut organiser une foire du livre, mais cette école ne peut pas appeler son activité : « LIVRES EN FOLIE », car cette appellation, ce nom étant une marque est la propriété d’une autre institution.

Le Nouvelliste : Est-ce que l’auteur d’un livre doit nécessairement faire enregistrer son œuvre au Bureau du Droit d’Auteur pour avoir droit à la protection de son œuvre?
Me Patrick Laurent : Un auteur n’a pas besoin d’enregistrer son œuvre pour avoir droit à la protection que lui confère le droit d’auteur ; le droit existe, la protection existe par le seul fait de sa création. Ainsi, on ne saurait distribuer, reproduire, traduire l’ouvrage d’un auteur sous prétexte que cette œuvre n’est pas préalablement enregistrée par son auteur.

Le Nouvelliste