A la lumière de la Constitution !

Dans le souci de répondre à des questions d’actualité ou de la vie quotidienne, Me Patrick Laurent se propose, à la lumière de la Constitution, d’éclaircir certaines zones d’ombre. Cette nouvelle rubrique baptisée « Parenthèse juridique » est ouverte aux idées contradictoires et est animée par des journalistes du Nouvelliste.

Le Nouvelliste : Que dit la Constitution sur le mandat des élus ?
Patrick Laurent : Au sujet du mandat des élus, la Constitution de 1987 fixe la durée du mandat de chaque élu. C’est ainsi que le mandat du Conseil d’administration de la section communale (CASEC) est de quatre ans, selon l’article 63. Celui du conseil municipal est de quatre ans, selon l’article 68.

Le mandat du conseil départemental est de quatre ans, selon l’article 78 de la Constitution. Il importe de noter que les membres du Conseil d’administration de la section communale (CASEC) et les membres du conseil municipal (les maires) sont élus au suffrage universel tandis que les membres du conseil départemental sont élus par l’assemblée départementale.

Le mandat des députés est fixé à quatre ans, selon l’article 92 et celui des sénateurs à six ans, selon l’article 95, et enfin le président est élu pour cinq ans, stipule l’article 134-1 de la Constitution qui n’a pas prévu de cas pour écourter le mandat des élus ni de cas de prolongation. Cependant, en cas de destitution ou démission un élu peut ne pas terminer son mandat.

LN : Le président de la République peut-il constater la caducité du Parlement ? Comment ? Quand ? Pourquoi et jurisprudence ?
PL : En se référant à l’article 136 de la Constitution qui dispose « ………. Le chef de l’Etat veille à la stabilité des institutions. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat », il ne saurait constater la caducité d’un pouvoir public; il est de son devoir d’empêcher qu’une telle situation arrive et si cela arrive, il a failli à sa mission, à son devoir que lui confère la Constitution, à savoir d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. On a assisté à un seul cas sous l’égide de cette Constitution où un président eut à déclarer qu’il a constaté la caducité du Parlement, c’est un cas insolite, inédit, c’était la preuve que ce président avait failli à sa mission.

LN : Le Parlement peut-il renvoyer le chef de l’Etat ? Si oui, dans quelles circonstances et quelles sont les procédures ?
PL : Au fait, on peut dire que le Parlement, dans sa fonction juridictionnelle, peut destituer le président de la République. Le Sénat, sous l’accusation de la Chambre des députés, peut s’ériger en Haute Cour de Justice pour juger le président pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l’exercice de ses fonctions, selon l’article 186 de la Constitution.

Il faut reconnaître que la procédure de la mise en accusation n’est pas chose facile car elle doit être prononcée par la Chambre des députés à la majorité des 2/3, soit un total de 66 députés. Dans l’hypothèse où la Chambre des députés prononce la mise en accusation, la Haute Cour de Justice (le Sénat) doit siéger à la majorité des 2/3, soit 20 sénateurs et la décision de la Haute Cour de Justice sous forme de décret doit être rendue à la majorité des 2/3 des membres de la Haute Cour de Justice, selon les prescrits de l’article 188.

Dans l’état actuel, si l’on considère le nombre de sénateurs en fonction qui est de 20, il n’est pas possible que le Sénat puisse s’ériger en Haute Cour de Justice, car le président du Sénat, en tant que président du bureau devant présider la Haute Cour de Justice, ne peut pas participer à la délibération de la Cour, donc le quorum de 2/3 ne pourra pas être obtenu, ce qui implique que le tribunal ne pourra pas se constituer.

En ce qui a trait au mandat des élus, la Constitution est muette sur la question de savoir ce qu’il faut faire si pour une raison ou une autre le mandat des élus arrive à expiration et que les élections n’ont pas pu avoir lieu. Ce vide ne laisserait-il pas la place à l’arbitraire ? Ne faudrait-il pas penser à remédier à cette situation ? Un point à prendre en compte lors d’un prochain amendement constitutionnel.

Le Nouvelliste