Le divorce, ce qu’il faut savoir!
Le mari ne saurait abandonner le toit conjugal, car là où se trouve sa demeure se trouve aussi celle de sa femme. Cependant, il ne faut pas confondre le divorce avec l’annulation de mariage qui consiste à déclarer que celui-ci n’a jamais eu lieu. Tout savoir sur le divorce dans ce numéro de Parenthèse juridique.
Le Nouvelliste : Comment peut-on définir le divorce ?
Me Patrick Laurent : Le terme « divorce » se définit comme étant la rupture officielle d’un mariage civil ou religieux liant précédemment deux personnes. En droit, il se distingue de la séparation de fait, sans conséquence juridique, et de la séparation de corps qui est reconnue juridiquement mais qui laisse subsister le mariage.
Le Nouvelliste : Pour quels motifs le divorce peut être sollicité et admis ?
Me Patrick Laurent : Aux termes de l’article 13 du décret du 8 octobre 1982, le divorce peut être sollicité et admis :
- Pour adultère ;
- Pour excès, sévices ou injures graves et publiques de l’un deux envers l’autre;
- Par consentement mutuel des époux;
Le Nouvelliste : Faut-il avoir le consentement des parties pour que le tribunal puisse prononcer le divorce ?
Me Patrick Laurent : Le divorce peut être demandé par consentement mutuel. Cependant, s’agissant d’une demande unilatérale, le consentement de l’autre conjoint n’est pas nécessaire ni indispensable. Le Juge, saisi de la demande, va devoir statuer sur la cause de la demande et conformément à loi.
Le juge peut admettre ou non l’action en divorce. La doctrine nous enseigne qu’il y a des causes péremptoires de divorce, par exemple adultère (en ce sens, le juge est tenu de prononcer la dissolution des liens matrimoniaux) et des causes facultatives de divorce, comme injures graves et publiques (le juge n’est pas tenu de faire droit à la demande).
Le Nouvelliste : Quelle différence existe-t-il entre le divorce national et le divorce des étrangers?
Me Patrick Laurent : En Haïti, il y a deux types de procédure de divorce :
- Une procédure réservée aux nationaux qui est plus longue et dont le demandeur doit être obligatoirement haïtien : divorce national;
- Le divorce des étrangers prévu par le décret du 27 mars 1974 modifiant la loi sur le divorce des étrangers (Le Moniteur N0 30 du 8 avril 1974) est conçu spécialement pour les demandeurs de nationalité étrangère. Cette procédure est plus courte, gérée par l’Office du divorce des étrangers qui est une direction du ministère de la Justice.
Il importe de noter qu’en cas de demande en divorce entre un Haïtien et un étranger, la procédure sera internationale si c’est le conjoint étranger qui produit la demande. Par contre, si c’est le conjoint haïtien qui produit la demande, c’est la procédure nationale qui s’appliquera.
Le Nouvelliste : Est-ce qu’une femme doit être indemnisée par son mari à cause du divorce ?
Me Patrick Laurent : La femme n’a aucun droit à l’indemnisation de la part de son mari pour cause de divorce. Toutefois, l’article 256 du Code civil donne une possibilité à la femme en instance de divorce de laisser le toit conjugal en exigeant du mari une pension alimentaire, mais cette disposition suivant l’avis de plusieurs spécialistes en droit de la famille est abrogée tacitement par le décret du 8 octobre 1982 qui fait de la femme mariée cogestionnaire de la communauté, l’article 8 dudit décret se lit ainsi: « Les époux administrent conjointement la communauté » . Dans l’état actuel de notre législation, la femme divorcée n’a pas droit à l’indemnisation pour cause de divorce de la part de son ex-époux.
Le Nouvelliste : Comment se fait la séparation des biens après le divorce?
Me Patrick Laurent : Le régime de la communauté légale et le régime de la séparation des biens sont les régimes matrimoniaux les plus connus en Haïti. Si les époux se sont mariés sous le régime de la communauté légale, après le divorce, le mari aura 50% des biens de la communauté et la femme en aura aussi 50%. S’ils se sont mariés sous le régime de la séparation des biens, après le divorce, ils auront chacun les biens qui ont été faits en leur nom, puisqu’il n’existait pas de communauté de biens.
Le Nouvelliste : Est-ce que le mari peut abandonner le toit conjugal ?
Me Patrick Laurent : Les époux décident conjointement du lieu de la maison conjugale. En principe, le domicile du mari est le domicile conjugal, ce qui se traduit par l’article 5 du décret du 8 octobre 1982 qui dispose : « Les époux choisissent de concert la résidence de la famille. Cependant, le domicile conjugal demeure celui du mari ». Vu sous cet angle, le mari ne saurait abandonner le toit conjugal, car là où se trouve sa demeure, se trouve aussi celle de sa femme.
Il faut reconnaître que dans notre société il y a beaucoup de cas de séparation de fait.
Mais aussi du point de vue légal, les époux peuvent obtenir du tribunal un jugement de séparation de corps qui leur permettra de vivre séparément.
Le Nouvelliste : En cas de divorce, s’il y a des enfants, à qui seront-ils confiés ?
Me Patrick Laurent : En cas de divorce, si les parents ne s’entendent pas avec qui les enfants mineurs doivent habiter, on doit se référer à la procédure prévue par le décret du 14 septembre 1983 instituant et règlementant la procédure de recouvrement des créances d’aliment et celle relative à la garde d’enfant. Le juge des référés décidera dans l’intérêt supérieur de l’enfant à qui confier la garde (soit au père soit à la mère).
Le Nouvelliste : Est-il nécessaire de rendre public un divorce ?
Me Patrick Laurent : Le jugement ordonnant la dissolution des liens matrimoniaux exige également la publication du dispositif dans un quotidien s’éditant dans la capitale sous peine de dommages-intérêts envers les tiers en application de l’article 6 de la loi du 10 mai 1920 prescrivant « l’affichage d’un extrait de la décision ou son insertion dans un quotidien par la partie qui aura obtenu gain de cause, à peine de tous dommages-intérêts envers les tiers, s’il y échet ».
De plus, s’il s’agit d’un jugement par défaut (c’est-à-dire le jour de l’audience, le défendeur ne s’est pas présenté au tribunal ni ne se fait représenter par un avocat, on dit qu’il est jugé par défaut), le dispositif du jugement par défaut avant exécution doit être publié dans un quotidien de la capitale.
Le Nouvelliste : Deux personnes divorcées peuvent-elles se remarier?
Me Patrick Laurent : L’article 283 du Code civil précise : « Les époux divorcés peuvent contracter ensemble un nouveau mariage ». Toutefois, ils seront tenus d’adopter le même régime matrimonial que celui qui réglait leur union dissoute ; ce régime matrimonial leur est applicable d’office nonobstant toutes conventions contraires.
Cependant il ne sera reçu de leur part aucune nouvelle demande de divorce, sauf pour cause d’adultère si le motif du premier divorce n’était pas pour adultère.
Le Nouvelliste : Après le divorce, est-ce que l’épouse doit changer ses documents qui, probablement avaient le nom de son mari ?
Me Patrick Laurent : En effet, après le divorce, elle n’est plus obligée de porter le nom de son ex-époux. De toute façon, il n’aura plus l’acte de mariage l’habilitant à avoir le nom de son ex-époux d’une part, en cas d’un nouveau mariage, elle aura à utiliser le nom du nouvel époux.