Le mariage, que sais-je ?

La femme ne peut contracter un autre mariage qu’ une année révolue après la dissolution du mariage précédent. Par contre, l’homme peut se remarier au lendemain de son divorce. C’est la loi ici en Haïti. Ce numéro de Parenthèse juridique fait le point avec Me Patrick Laurent.

Le Nouvelliste : Comment peut-on définir le mariage ?
Me Patrick Laurent : Si l’on se réfère à notre manuel d’Instruction civique et morale, il y a plus de 30 ans, le mariage est « l’union légitime entre l’homme et la femme ». L’article 1er du décret du 8 octobre 1982 paru dans Le Moniteur no 75 du 28 octobre 1982 dispose : « Le mariage crée entre le mari et la femme des droits réciproques, vie commune, fidélité, mesure et assistance.»

Le Nouvelliste: Quelles sont les conditions de validité du contrat de mariage?
Me Patrick Laurent: Le mariage étant un contrat, il obéit à toutes les conditions essentielles à la validité d’un contrat, notamment : le consentement, élément essentiel, car il n’y a point de mariage sans consentement (article 134 du Code civil); la capacité: un mineur en principe ne saurait contracter mariage, néanmoins il est loisible au président de la République d’Haïti d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves (article 133 du Code civil).

Il importe de noter également que quelqu’un qui est dans les liens d’un premier mariage ne peut contracter un second sous peine d’être poursuivi pour crime de bigamie.

Le Nouvelliste : Est-ce qu’une femme divorcée peut contracter un second mariage immédiatement après son divorce ?
Me Patrick Laurent : Non. L’article 213 du Code civil dispose ce qui suit : « La femme ne peut contracter un second mariage qu’après une année révolue depuis la dissolution du mariage précédent. » C’est ce que la doctrine appelle délai de viduité. Par contre, l’homme peut se remarier au lendemain de son divorce.

Le Nouvelliste : Quel est le bien-fondé du délai de viduité ?
Me Patrick Laurent : Afin d’éviter les conflits de filiation paternelle concernant les enfants qui ont pu être conçus pendant la période au cours de laquelle les époux se trouvaient en instance de divorce ou encore pendant la période qui a précédé le décès du mari de la mère, la loi avait institué un délai de 300 jours pendant lequel cette dernière ne pouvait contracter un nouveau mariage : ce délai est désigné sous le nom de  » délai de viduité ( ref http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/delai-de-viduite.php) (En France, cette disposition est abrogée depuis 2004, une femme peut se remarier immédiatement après le jugement définitif de divorce).

Le Nouvelliste : Comment le mariage peut être dissout?
Me Patrick Laurent : L’article 212 du Code civil pose deux conditions à la dissolution du mariage: le mariage sera dissous par la mort de l’un des époux et par le divorce légalement prononcé.

Le Nouvelliste : On sait que le contrat peut être verbal ou écrit, le mariage étant un contrat, peut-il être verbal ?
Me Patrick Laurent : Nul ne peut réclamer le titre d’époux ni les effets civils du mariage, en l’absence
d’un acte de célébration inscrit sur le registre de l’état civil (article 180 du Code civil). Donc, le mariage ne peut être verbal, il ne s’agit pas de simple contrat, c’est un contrat solennel.

Le Nouvelliste : Qui peut s’opposer à un mariage ? Est-ce qu’une femme peut s’opposer au mariage du père de ses enfants avec une autre femme alors qu’il n’est pas son époux?
Me Patrick Laurent : La loi fait obligation aux officiers d’état civil, aux leaders religieux de publier la promesse de mariage deux fois avant la cérémonie, c’est ce qu’on appelle la « publicité du mariage », ce pour permettre à tous ceux qui ont un quelconque empêchement à l’union des futurs époux de s’opposer. Il est clair que la loi énumère les personnes habilitées à s’opposer à un mariage:

  1. celui ou celle engage(e) par un mariage avec l’une des deux parties (Article 158 Code civil);
  2. le père ou la mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage de leurs enfants ou descendants (article 159 du Code civil).

Le fait d’avoir des enfants avec un homme n’autorise pas la femme à s’opposer au mariage du père de ses enfants.

Le Nouvelliste: En cas d’opposition à la célébration d’un mariage, que peuvent faire les futurs époux, s’ils estiment l’opposition infondée ?
Me Patrick Laurent: Ils peuvent introduire une action en main levée d’opposition devant le tribunal qui doit statuer dans un délai de dix jours, article 163 du Code civil. Le texte ne dit pas quel tribunal on doit saisir. Cependant, suivant ma compréhension, puisqu’il s’agit d’un cas d’urgence, d’une demande en main levée d’une opposition au mariage, la juridiction des référés serait indiquée pour entendre pareille demande.

Le Nouvelliste : Quels sont les différents types de mariage ?
Me Patrick Laurent : En Haïti, dans l’état actuel de notre législation, il n’y a qu’un seul type de mariage, celui d’un homme et d’une femme. Si on aborde la question eu égard au statut du célébrant, on peut dire que le mariage célébré par un officier d’état civil est un mariage civil, et celui célébré par un religieux est un mariage religieux. Toutefois, qu’il soit civil ou religieux, il produit les mêmes effets.

Le Nouvelliste : Comment se fait la séparation des biens des mariés ? Qui hérite qui et comment?
Me Patrick Laurent : A la dissolution des liens matrimoniaux : Par le divorce : Tout dépend du régime matrimonial sous lequel les époux ont contracté. Il y aura partage de la communauté, tous les biens réalisés pendant le mariage seront partagés à part égale entre les époux s’il s’agit du régime de la communauté légale. Dans le cas de régime de la séparation des biens, il n’y aura pas de séparation, car dans ce régime il n’y a pratiquement pas de biens communs.

À la mort d’un des époux : l’époux survivant conserve ses biens et la part communautaire qui revenait au défunt ainsi que ses biens propres seront pour ses héritiers ( ses enfants). Il faut dire qu’un mari n’est pas héritier de sa femme, ni la femme héritière de son mari.

Le Nouvelliste