Le préavis, une obligation pour l’employé aussi bien que pour l’employeur
Ce numéro de Parenthèse juridique répond à un ensemble de questions relatives au préavis. Comment le calculer ? Qui y a droit ? Les recours…
Le Nouvelliste : Comment la législation haïtienne définit le préavis ?
Me Patrick Laurent : Le préavis peut se définir comme étant une période de temps que doit donner celui qui rompt le contrat de travail. C’est aussi la période qui doit obligatoirement s’écouler entre la notification de la rupture du contrat de travail et la cessation effective du travail.
L’article 44 du Code du travail traitant la notion de préavis dispose ce qui suit : « l’employeur ou le salarié qui désire mettre fin au contrat de travail devra préalablement en donner avis écrit à l’autre. Ce préavis peut être donné verbalement en présence de deux témoins, s’il s’agit d’un contrat verbal … ».
Le Nouvelliste : Comment calculer le préavis en Haïti ?
Me Patrick Laurent : Dans l’état actuel de notre législation, le calcul de préavis en application de l’article 45 du Code du travail se fait de la manière suivante :
- De trois mois à douze mois de service : 15 jours de préavis
- De un an à trois ans de service : 1 mois;
- De trois ans à six ans de service : 2 mois;
- De six ans à dix ans de service : 3 mois;
- A partir de dix ans de service : 4 mois.
Le Nouvelliste : Peut-on révoquer un employé sans préavis ?
Me Patrick Laurent : La révocation étant la résiliation unilatérale du contrat de travail par l’employeur, ce dernier est tenu de préaviser l’employé. Cependant, il n’est pas tenu de le faire dans les cas expressément déterminés par la loi. Aussi, l’article 42 du Code du travail indique de façon limitative les situations pour lesquelles l’employeur n’est pas tenu au préavis, informera la Direction du Travail en invoquera l’un des motifs suivants :
- Lorsque le travailleur, durant son travail, s’est livré à des voies de fait contre son employeur ou contre un camarade; s’est livré publiquement à des excès de langage tels qu’injures ou menaces; a provoqué par sa conduite une grave perturbation à la discipline et une interruption du travail à l’établissement;
- Lorsqu’il a commis un délit ou une contravention contre les biens au préjudice direct de l’employeur ou quand il a causé intentionnellement ou par négligence coupable des dégâts aux machines, instruments, matières premières, produits et autres objets ayant une relation immédiate avec le travail ou a compromis la sécurité du lieu où sont exécutés les travaux et des personnes qui s’y trouvent;
- Lorsque le travailleur s’abstient sans l’autorisation de l’employeur et sans motif valable de se présenter à son travail trois jours consécutifs ou quatre fois au cours du même mois;
- Lorsque le travailleur, après avertissement écrit ou donné en présence de deux témoins, aura refusé d’observer les mesures de prévention des accidents ou de se conformer aux règlements intérieurs de l’établissement;
- Lorsque, à la conclusion du contrat de travail, le travailleur a induit l’employeur en erreur, en feignant de posséder des qualités ou connaissances qu’il ne possède manifestement pas ou en présentant des références ou attestations personnelles dont, par la suite, l’employeur constate la fausseté, ou lorsqu’il exécute son travail d’une manière qui démontre clairement son inaptitude aux travaux pour lesquels il a été engagé. Les dispositions de cet alinéa ne sont pas applicables aux travailleurs ayant plus de quatre mois de service consécutifs;
- Lorsque le travailleur a été condamné à une peine d’emprisonnement de plus d’un mois par une sentence passée en force de chose jugée;
- Lorsque le travailleur commet un manquement aux obligations que lui impose son contrat ou aux dispositions de l’article 30 du Code du travail.
Le Nouvelliste : L’employé peut-il résilier le contrat de travail (démissionner) sans préaviser le patron ?
Me Patrick Laurent : L’employé est tenu de donner préavis au patron s’il désire mettre un terme au contrat de travail. Cependant, comme pour le patron, la loi reconnaît à l’employé le droit de résilier le contrat de travail en invoquant l’un des motifs prévus à l’article 41 du Code du travail qui se lit ainsi :
- Lorsque l’employeur ne lui verse pas intégralement, sous réserve des déductions autorisées par la loi, aux dates et lieux convenus ou usuels, la rémunération qui lui revient;
- Lorsque l’employeur, ou un membre de sa communauté domestique, ou une personne à son service agissant avec son consentement, exerce durant le travail des voies de fait ou se livre publiquement à des excès de langage, injures ou menaces contre le travailleur, rendant ainsi impossible l’harmonie des relations de travail;
- Lorsque l’employeur ou son représentant cause intentionnellement des dégâts à ses instruments ou outils de travail;
- Lorsque l’employeur, un membre de sa famille, son représentant dans la direction des travaux ou un autre travailleur est atteint de maladie contagieuse, si le travailleur doit rester en contact immédiat avec la personne atteinte;
- Lorsque la sécurité ou la santé du travailleur ou de sa famille est gravement menacée, soit en raison de l’absence de conditions d’hygiène au lieu de travail ou de l’insalubrité excessive de la région, soit parce que l’employeur n’observe pas les mesures de prévention et de sécurité prescrites par la loi;
- Lorsque l’employeur commet un manquement aux obligations que lui impose le contrat ou aux dispositions de l’article 31 du Code du travail.
Le Nouvelliste : Quels sont les recours au cas où l’une des parties refuse de respecter le préavis ?
Me Patrick Laurent : La partie qui met fin au contrat de travail sans préavis hors des cas de dispense expressément prévus par la loi est tenu d’indemniser (compenser) l’autre partie, ce qui se traduit par l’article 46 du Code du travail en ces termes : « La partie qui met fin immédiatement au contrat de travail devra verser à l’autre des indemnités calculées à partir de son dernier salaire et sur la base établie à l’article 45 du Code du travail ».
Si un employé abandonne son travail sans préavis, le patron, s’il le désire ou mieux s’il estime opportune, peut exiger l’employé à l’indemniser, c’est-à-dire de lui payer le préavis. En cas de refus de paiement, le patron saisira le Bureau du Travail. Au Bureau du Travail, en cas d’échec des négociations, le Bureau saisira Le Tribunal du travail qui va devoir statuer sur le différend.
En cas de licenciement, le patron est tenu de payer à l’employé ses prestations légales (Boni, congé, le salaire) et même une indemnité à titre de préavis, si l’employé a été révoqué sans préavis et hors des motifs prévus à l’article 42 du Code du travail. Si le patron refuse de payer, l’employé pourra saisir le Bureau du Travail. En cas d’échec des négociations, le Bureau du Travail transférera le dossier au Tribunal du Travail. Le Tribunal, non seulement va ordonner au patron de payer á l’employé ses prestations, mais pourra également condamner le patron pour révocation illégale à des dommages et intérêts allant d’un mois à douze mois de salaire.
Le Nouvelliste : Un employé en période de préavis a-t-il droit au salaire ?
Me Patrick Laurent : Le contrat de travail continue pendant toute la période du préavis, l’employeur est tenu de verser à l’employé son salaire. Le contrat de travail est toujours en exécution durant toute la période de préavis (article 45 Code du travail).
Le Nouvelliste : Est-ce que le préavis dispense le patron de payer à l’employé ses prestations légales (Boni, congé) ?
Me Patrick Laurent : Les prestations légales (Boni, congé) ne sont pas négociables, que le préavis soit donné par le patron ou par l’ouvrier, à la fin de la période de préavis, le patron est tenu de verser à l’employé ses prestations légales (Boni, congé).
Le Nouvelliste : En période probatoire (stage), est-ce qu’on est tenu au préavis ?
Me Patrick Laurent : Le préavis ne sera obligatoire que si le salarié a fourni au moins trois mois de service consécutifs à l’employeur (article 44 Code du travail). Généralement, la période de stage est de trois mois. Durant cette période, l’une des parties peut résilier le contrat sans préavis, car avant trois mois le préavis n’est pas obligatoire.