Où va l’argent de nos taxes?

Sur le salaire d’un employé l’Etat prélève des impôts ou des taxes qui sont pas moins de trois types. Où va cet argent? Comment est-il calculé? Peut-on refuser de le donner…? La réponse à ces questions et bien d’autres dans ce numéro de Parenthèse juridique avec Me Patrick Laurent.

Le Nouvelliste : Comment peut-on définir l’impôt?
Me Patrick Laurent : L’impôt constitue un prélèvement obligatoire effectué par voie d’autorité par la puissance publique (État, collectivités territoriales ……………) sur les ressources des personnes vivant sur son territoire ou y possédant des intérêts. Ce prélèvement est destiné à être affecté par l’intermédiaire des budgets publics aux services d’utilité générale.

L. Mehl et P. Beltrame définissent l’impôt comme : «Une prestation pécuniaire requise des personnes physiques et morales de droit privé, voire de droit public, d’après leurs facultés contributives par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie déterminée en vue de la couverture des charges publiques ou à des fins d’intervention de la puissance publique » ( ref L. MEHL et P.BELTRAME ; Science et techniques fiscales, PUF, Paris, 1972, p 142.)

Le Nouvelliste : Quels sont les impôts ou taxes qu’on prélève sur le salaire d’un employé en Haïti ?
Me Patrick Laurent : En Haïti, sur le salaire d’un employé on prélève les impôts ou taxes suivants : a) Impôt sur le revenu b) Contributions au Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales » (C.F.G.D.C.T.) c) Caisse d’assistance sociale (CAS),d) Fonds d’urgence.

Le Nouvelliste : Comment s’effectue le calcul de ces différents impôts ?
Me Patrick Laurent : D’abord le calcul d’impôt sur le revenu. L’article 149 du décret du 29 septembre 2005 relatif à l’impôt sur le revenu des personnes physiques se lit ainsi :
L’impôt sur le revenu imposable aux personnes physiques sera calculé sur l’ensemble des revenus du contribuable selon les barèmes ci-après :

  • Personnes physiquesPour la fraction du revenu allant de :
    • 1.00 à 60,000 gourdes 0%
    • 60,001.00 à 240,000.00 10%
    • 240,001.00 à 480,000.00 15%
    • 480,001.00 à 1,000,000.00 25%
    • À partir de 1,000,001.00 30%
  • Contributions au Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales » (C.F.G.D.C.T.) est de 1% du salaire mensuel d’un employé qui gagne au moins 5 000 gourdes par mois aux termes de l’article 3 de la loi établissant le complément des recettes communales, des droits internes nommés Contributions au fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales ( C.F.G.D.C.T,) 20 AOUT 1996 ,Moniteur 64-A du lundi 2 septembre 1986.
  • Caisse d’assistance sociale (CAS) : 1% du salaire mensuel de l’employé aux termes de l’article 3 de la loi de Finance 2012-2013 qui se lit ainsi : « L’alinéa (a) de l’article 2 de la Loi du 26 mai 1971 relative à la Caisse d’assistance sociale est ainsi modifié :
    Alinéa a- Un pour cent (1%) chaque mois sur tous les salaires versés aux employés publics et non publics à l’exception des journaliers, stagiaires et du personnel vacataire. »
  • Fonds d’urgence : 1% du salaire mensuel de l’employé aux termes de l’article 4 de la loi de finances 2013-2014 qui dispose : « Il est ajouté le paragraphe suivant à l’article 3 de la Loi du 16 septembre 1966 traitant du Fonds d’Urgence. Les employés non publics contribuent au <<Fonds d’urgence>> FDU au même taux de 1% que les employés publics. Les retenues sur salaires effectuées à ce titre seront versées à la Direction générale des impôts du 1er au 15 de chaque mois pour le mois précédent. Les journaliers, stagiaires et le personnel vacataire sont exemptés du paiement de cette contribution.»

Le Nouvelliste : Prenons l’exemple d’un employé qui gagne 20 000 gourdes par mois, après le prélèvement des impôts, combien d’argent va-t-il lui rester de son salaire mensuel ?
Me Patrick Laurent : Un employé qui gagne 20 000 gourdes par mois a un salaire annuel de 240 000 gourdes. Déterminons le montant imposable. De 0 à 60 000 gourdes n’est pas imposable
Le montant imposable est 240 000 – 60000 = 180 000 montant imposable
L’impôt sur le revenu de 60 000 à 240 000 est de 10%
L’impôt est : 180 000 x 10% =18 000 gourdes l’an, d’où la déduction mensuelle de 1500 gourdes par mois.

Pour un salaire de 20 000 gourdes, l’impôt sur le revenu mensuel est de 1500 gourdes.

  • SALAIRE BRUT : 20 000 gourdes / mois
  • Impôt sur le revenu : 1 500 gourdes / mois
  • C.F.G.D.C.T : 1% : 200 gourdes/mois
  • CAS : 1 % : 200 gourdes/ mois
  • FDU : 1% : 200 gourdes/ mois

Après le prélèvement des impôts il reste à l’employé 17 900 Gourdes.

Le Nouvelliste : N’y a-t-il pas d’autres charges obligatoires qu’on prélève sur le salaire de l’employé ?
Me Patrick Laurent : Certainement, 6% par mois du salaire pour l’ONA. Si on continue la démonstration ci-dessus on aura pour un salaire de 20 000 gourdes par mois les prélèvements suivants :

  • SALAIRE BRUT : 20 000 gourdes
  • Impôt sur le revenu : 1 500 gourdes/ mois
  • C.F.G.D.C.T : 1% 200 Gourdes/mois
  • CAS : 1% 200 Gourdes/ mois
  • FDU : 1% 200 Gourdes/ mois
  • ONA : 6% 1200 Gourdes/ mois
  • SALAIRE NET : 16700 gourdes/mois

Salaire net (ce que l’employé va effectivement recevoir après les prélèvements des taxes et ONA inclus)

Le Nouvelliste : Est-ce que l’employé peut refuser ces prélèvements sur son salaire?
Me Patrick Laurent : L’employé n’aura pas le choix, car la loi fait obligation à l’employeur de pratiquer la retenue à la source, c’est –à- dire il revient à l’employeur de collecter ces impôts et charges sociales pour les verser à la Direction générale des impôts et à l’ONA.

L’employeur est tenu d’accompagner le versement des prélèvements avec un état explicatif mensuel mentionnant : l’adresse de l’entreprise ou l’employeur, mois pour lequel cet impôt est retenu; nom et prénom de l’employé, son numéro d’identification fiscale, salaire mensuel, montant de l’impôt annuel, montant de l’impôt mensuel à payer ( article 94 décret du 29 septembre 2005 modifiant celui du 29 septembre 1986 sur l’Impôt sur le revenu.)

Le Nouvelliste : Qu’adviendra-t-il si l’employeur n’effectue pas les prélèvements ou accuse de retard ou encore ne respecte pas les articles 92 et 94 du décret y relatif ?
Me Patrick Laurent : L’employeur sera passible d’une amende de cinq mille gourdes par mois ou fraction de mois de retard sans excéder soixante mille gourdes (art 92).

Si l’employeur ne se conforme pas aux dispositions de l’article 94, le montant de la retenue à verser sera majoré des intérêts de retard de 3%.

Le Nouvelliste