« Nul ne peut être arrêté pour motif de dette »

La reconnaissance de dettes est un acte écrit, attestant que le débiteur a une dette envers le créancier. Elle est une obligation dans la législation haïtienne. Et l’emprunteur et le créancier sont protégés par la loi. Les explications de Me Patrick Laurent dans ce numéro de Parenthèse juridique.

Le Nouvelliste : Comment peut-on définir la dette ?
Me Patrick Laurent : Du latin debeo (devoir, ce que l’on doit à quelqu’un), la dette est la somme d’argent qu’une personne, une institution, une entreprise devra payer pour rembourser, par exemple, des emprunts qu’elle a contractés auprès d’une banque, d’une autre personne, d’une institution financière. En un mot, la dette est l’obligation qu’un débiteur est tenu d’exécuter envers son créancier (personne ou organisme), en particulier une somme d’argent qu’il est tenu de lui payer.

Le Nouvelliste : Peut-on arrêter une personne pour motif de dette ?
Me Patrick Laurent : L’article 7.7 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, ratifiée par Haïti, dispose : « Nul ne peut être arrêté pour motif de dette. Cette disposition ne s’applique pas aux mandats décernés par une autorité judiciaire compétente pour cause d’inexécution des obligations alimentaires. »

Le Nouvelliste : Est-il nécessaire de faire signer une reconnaissance de dettes avant d’accorder un prêt ?
Me Patrick Laurent : La reconnaissance de dettes est un acte écrit attestant que le débiteur a une dette envers le créancier. Elle est très importante, car la législation haïtienne fait obligation pour tout montant dépassant 16 gourdes d’avoir un reçu écrit. Ce qui se traduit par l’article 1126 du Code civil qui dispose : « il doit être passé acte devant notaire ou sous signature privée, de toutes choses excédant la somme ou valeur de seize gourdes…»

Le Nouvelliste : Comment peut-on signer le document de prêt? Sous signature privée ou devant un notaire ou un juge de paix ?
Me Patrick Laurent : En se référant à l’article 1126 du Code civil, on peut signer sous signature privée ou sous seing privé : « Le créancier et le débiteur signent seuls le document hors de la vue d’un juge de paix ou d’un notaire. »

Ils peuvent recourir à un acte authentique : l’acte est dressé par un notaire, les parties (créancier/débiteur) signent en présence du notaire.

Le Nouvelliste : Qu’en est-il de la dette alimentaire ?
Me Patrick Laurent : La dette alimentaire représente le montant qu’un parent est condamné à payer à titre de pension alimentaire pour son (ses) enfant (s). Ce montant est fixé dans une ordonnance rendue par le juge des référés. En cas de non-paiement de deux mois, le commissaire du gouvernement, en exécution de l’ordonnance, peut ordonner l’arrestation du débiteur alimentaire de mauvaise foi pour un mois.

Le Nouvelliste : Un prêt effectué pour deux mois, peut-on en exiger le paiement avant ce terme ?
Me Patrick Laurent : Celui qui doit à terme ne doit pas. Le créancier ne peut pas poursuivre son débiteur en paiement avant la date convenue pour le remboursement de la dette. On dira que la dette n’est pas encore exigible.

Le Nouvelliste : Peut-on exiger une garantie avant d’octroyer un prêt ?
Me Patrick Laurent : Tout créancier peut exiger une garantie avant d’octroyer un prêt. Toutefois, lors même qu’il n’a pas exigé de garantie, tous les biens du débiteur constituent le gage de sa créance (article 1860 Code civil).

Le Nouvelliste : La loi reconnaît-elle le prêt sous la forme de « ponya » comme on dit dans notre créole?
Me Patrick Laurent : Généralement, ce qu’on appelle « ponya » ou escompte dans notre milieu est un prêt octroyé souvent avec des taux d’intérêt exorbitants et l’échéance très courte. Le mot « ponya » n’est pas inscrit dans notre législation. Avant le décret du 17 mai 1995 supprimant le plafond des taux d`intérêt (d’où la libéralisation des taux d’ intérêt), tout prêt avec un intérêt excédant 20 % l’an était considéré comme une infraction appelée délit d’usure.

Le Nouvelliste : Est-ce qu’un particulier peut saisir un bien (maison, voiture…) appartenant à son débiteur pour motif de dette?
Me Patrick Laurent : Quand la dette est exigible, c’est-à-dire que le terme convenu pour payer est expiré, le créancier pourra, en cas de non-paiement, pratiquer une saisie sur les biens de son débiteur suivant les formes prévues par la loi.

Le Nouvelliste : Quel recours peut-on exercer si quelqu’un ne veut pas ou ne peut pas honorer ses dettes envers un particulier?
Me Patrick Laurent : Si un débiteur solvable ne veut pas payer ses dettes, le créancier a droit à une action en recouvrement de créance, peut pratiquer une saisie sur ses biens meubles ou immeubles (maison, voiture, compte en banque, etc.).

Dans le cas où le débiteur n’est pas solvable, même si on introduit une action en recouvrement de créance, on sera dans l’impossibilité d’exécuter la décision, car le débiteur qui n’a rien, n’a aucune garantie. On va se retrouver devant ce fameux principe : « Là où il n’y a rien, le roi perd ses droits. » On comprend pourquoi des gens insolvables peuvent difficilement bénéficier d’un prêt.

Le Nouvelliste