Une Cour constitutionnelle, nous en avons besoin…

L’absence de la Cour constitutionnelle constitue un vide majeur dans notre fonctionnement. Une telle institution nous aurait évité bien des débats et des conflits stériles. Me Patrick Laurent répond à sept questions sur cette importante instance juridique.

Le Nouvelliste : Qu’est ce qu’une Cour constitutionnelle?
Patrick Laurent : Une Cour constitutionnelle, ou Conseil constitutionnel suivant la terminologie utilisée par notre Constitution, est un organe chargé d’assurer la primauté effective de la Constitution qui est, dans la hiérarchie des instruments juridiques, la loi suprême. Il convient donc, pour assurer l’État de droit, de vérifier la conformité des lois par rapport à la Constitution.

Au terme de l’article 190 bis de la Constitution, « le Conseil constitutionnel est un organe chargé d’assurer la constitutionnalité des lois. Il est juge de la constitutionnalité des lois, des règlements, des actes administratifs du pouvoir exécutif. Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours ».

Le Nouvelliste : Quelle est la composition du Conseil constitutionnel ?
Patrick Laurent : Le Conseil est composé de neuf membres dont trois sont désignés par l’exécutif, trois par l’Assemblée nationale à la majorité des 2 /3 des membres de chacune des chambres, trois par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. On doit avoir trois magistrats, trois juristes de haut niveau, professeurs ou avocats, trois personnalités de grande réputation professionnelle ayant tous une expérience de 10 ans au moins dans leurs domaines respectifs.

LN : Quelles sont les attributions du Conseil constitutionnel ?

PL : Le Conseil constitutionnel a pour attributions de veiller et de statuer sur :

  • la constitutionnalité des lois avant leur promulgation;
  • la constitutionnalité des règlements intérieurs du Sénat et de la Chambre des députés avant leur mise en application ;
  • les arrêtés ;
  • l’exception d’inconstitutionnalité d’une loi ;
  • les conflits entre l’exécutif et le législatif ou conflits entre les deux branches du pouvoir législatif ;
  • les conflits d’attributions entre les tribunaux administratifs, électoraux et judiciaires.

LN : Qui peut saisir le Conseil constitutionnel ou, pour être plus clair, qui peut porter un dossier devant le Conseil ?
PL : Le président de la République, le président du Sénat, le président de la Chambre des députés ; un groupe de quinze députés ou de dix sénateurs, la Cour de cassation suite à une exception d’inconstitutionnalité. Sous réserves d’autres entités habilitées à saisir le Conseil, qui seront déterminées par la loi.

LN : Le Conseil constitutionnel peut-il prendre des décisions à effet rétroactif ?
PL : La Constitution, au terme de l’article 51, dispose : La Loi ne peut avoir d’effet rétroactif, sauf en matière pénale quand elle est favorable à l’accusé. Aussi le Conseil constitutionnel dont la mission première est de veiller à la conformité de la loi par rapport à la Constitution ne saurait-il prendre une décision à effet rétroactif. Il est un principe qu’on ne saurait ravir les droits acquis.

LN : Pourquoi le Conseil constitutionnel n’est-il pas encore institué en Haïti ?
PL : Eu égard à sa composition, l’Assemblée nationale, qui doit désigner trois des neuf membres à la majorité des 2/3 des membres de chacune des deux chambres, n’est pas en mesure pour le moment de le faire, car le Sénat est amputé d’un tiers.

Il est souhaitable, pour le bon fonctionnement de l’Etat de droit, de travailler à l’instauration du Conseil constitutionnel. Il est clair que ce vide institutionnel plonge la communauté dans un débat interminable sur la constitutionnalité des lois, au point que la question laisse le champ juridique pour prendre une allure politique.

Le Nouvelliste